Séance de questions et réponses avec Fiona Otieno

La semaine dernière, les participant·e·s au programme Kumvana 2019 ont terminé leur programme de formation en leadership et de réseautage de cinq semaines au Canada. Le soir de la remise des diplômes, nous avons interviewé Fiona Otieno, une participante kényane au programme Kumvana.

Fiona, pourriez-vous vous présenter à notre communauté?

Bien sûr! J’ai à cœur de promouvoir l’accès à une éducation de qualité pour les communautés marginalisées du Kenya depuis les quatre dernières années. Présentement, je travaille pour M-Shule, une entreprise de technologie éducative qui offre un apprentissage personnalisé par SMS aux élèves du primaire, au Kenya. Je suis gestionnaire de l’expérience client, ce qui signifie que je m’occupe des relations entre M-Shule et les nombreuses écoles avec lesquelles nous collaborons, via notre plateforme. Mon équipe et moi présentons les outils éducatifs M-Shule aux élèves, aux parents et aux enseignant·e·s, que nous formons afin qu’ils et elles puissent bien s’en servir. Nous nous assurons que chaque personne connait bien l’importance des outils et du soutien additionnel que nous offrons pour faire progresser l’apprentissage.

Avant M-Shule, je travaillais pour une ONG du nom de PaceMaker International, qui œuvre également dans le domaine de l’éducation. Pace déploie des bénévoles, généralement de jeunes diplômé·e·s du secondaire, pour travailler en tant qu’aides-enseignant·e·s dans des écoles publiques et privées des quartiers ruraux et des bidonvilles du Kenya afin de rééquilibrer le ratio élèves/enseignant·e·s. Certaines classes ont jusqu’à 90 élèves pour un·e enseignant·e. Mon rôle chez Pace était de m’occuper d’environ 120 bénévoles déployés dans des écoles à travers le Kenya.

Lorsque je me suis informée sur le programme et me suis rendu compte qu’il comprenait quatre semaines de formation au Canada, je me souviens d’avoir dit : « Je ne veux pas faire ça! » Mais je suis tellement heureuse d’avoir changé d’avis. Ça a complètement changé ma vie.

Qu’est-ce qui vous a motivée à poser votre candidature pour Kumvana?

Cette occasion s’est présentée à moi par l’entremise de la cofondatrice de M-Shule, Claire Mongeau et d’une stagiaire d’ISF, Amrita Kalsi. Lorsque je me suis informée sur le programme et que je me suis rendu compte qu’il comprenait quatre semaines de formation au Canada, je me souviens d’avoir dit : « Je ne veux pas faire ça! » Mais je suis tellement heureuse d’avoir changé d’avis. Ça a complètement changé ma vie.

Je voulais développer mes compétences professionnelles et ce stage m’a énormément appris; il m’a donné la chance d’enseigner et de changer l’histoire de l’Afrique. On se questionne beaucoup sur ce que fait le peuple africain pour résoudre les problèmes de l’Afrique, à savoir s’il fait ce qui est nécessaire. Pendant deux semaines, j’ai eu le privilège de m’entretenir avec des étudiant·e·s universitaires, des enseignant·e·s, des entrepreneur·e·s et des accélérateurs d’innovation canadien·ne·s pour leur dire : « Nous avons des problèmes au Kenya, mais nous innovons dans la recherche de solutions à ces problèmes sociaux en favorisant un développement durable et inclusif. En ayant la chance de raconter mon histoire et de transmettre ma passion, j’ai pu partager quelques-unes des réalisations et démontrer l’esprit innovateur des entrepreneur·e·s et artisan·e·s du changement du Kenya et de l’Afrique. »

Cherchiez-vous à accomplir quelque chose de précis pour votre carrière?

Je crois que tout naturellement, je sais porter ce genre de projet. Parallèlement, j’ai besoin de plus de structure dans la réalisation de mes projets pour assurer l’efficacité de ce que je fais, et également pour accroître la portée de tout changement que je cherche à apporter ou de toute cause que je veux soutenir.

Que je vienne jusqu’au Canada pour demeurer en surface, sans me plonger complètement dans un projet comme celui-ci, serait tout à fait inutile. Je voulais un aperçu des domaines qui sont reliés à mon travail actuel et acquérir un savoir qui allait me servir tout au long de ma carrière.

Ainsi, je voulais progresser comme leader :

  1. En étudiant les structures qui m’aideront à mettre en place le changement. Plus précisément, j’ai travaillé pour une ONG et une entreprise sociale, les deux innovant à propos des mêmes problèmes d’accès à une éducation de qualité. Ce que j’ai pu constater, tant du côté de Pace que de celui de M-Shule, c’est qu’il est possible d’avoir des idées extraordinaires, mais que sans la connaissance d’une mise en place logique de ces innovations et sans mettre l’accent sur les données concrètes sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, il est impossible d’accroître la portée de ces idées. Par exemple, mon rôle à M-Shule nécessite que je dispose du bon plan pour pouvoir passer d’une plateforme de 6 000 élèves à une plateforme pouvant servir à quelques centaines de milliers d’élèves. Comment établir des mesures efficaces afin de générer cet accroissement considérable?
  2. En observant de grandes leadeuses canadiennes. J’ai toujours voulu « briser le plafond de verre », c’est pourquoi je tiens à entendre différentes histoires de femmes qui réussissent.
  3. En apprenant sur le service à la clientèle. Cela n’est pas propre à M-Shule, mais je veux savoir ce qui a fonctionné pour les entreprises canadiennes. Que puis-je reproduire au Kenya? Qu’est-ce qui est automatisé? Qu’est-ce qui ne l’est pas?

Qui avez-vous rencontré au Canada?

J’ai eu le privilège de rencontrer les leaders de diverses organisations à Toronto, Waterloo et Ottawa. Mon principal objectif était de m’ouvrir aux leaders de l’industrie qui pouvaient me donner des conseils dans les domaines que je devais développer afin d’assurer que M-Shule génère des retombées durables et qu’elle soit prête à croître en Afrique.

Ces femmes m’ont montré la véritable essence de l’apprentissage et m’ont inspiré la création d’espaces d’inclusion à Nairobi.

J’ai rencontré des leaders de compagnie dans le domaine des technologies comme Shopify, Kiite, Tech 4 Good et Rebel. Je suis aussi entrée en contact avec des compagnies de l’écosystème éducationnel comme Desire 2 Learn et Chalk. J’ai rencontré un bon nombre d’incubateurs et d’accélérateurs comme Velocity, Invest Ottawa et Accelerator Centre. Ce qui m’a vraiment frappée, c’est de rencontrer des femmes en position de leadership. Des femmes telles Donna Litt, cofondatrice et directrice des opérations chez Kiite, Yvy Lee Gregory, VP marketing et communication chez D2L, et Tammy Singh, directrice des opérations chez Inbox. Ces femmes m’ont montré la véritable essence de l’apprentissage et m’ont inspiré la création d’espaces d’inclusion à Nairobi.​ C’est remarquable qu’en cinq semaines, j’aie pu créer des liens avec des gens et des organisations souhaitant collaborer au développement des retombées sociales de M-Shule.

Quelles sont les occasions où vous pourrez mettre en pratique ce que vous avez appris durant votre séjour Kumvana?

Dans mes fonctions chez M-Shule, je pourrai mettre en pratique les connaissances que j’ai acquises durant mon séjour au Canada pour influencer la culture du travail. Grâce à ces deux premières semaines de formation, j’ai pu mettre mes apprentissages en leadership en action avec mon équipe chez M-Shule. Grâce aux formations pratiques, j’ai appris la façon dont je pouvais influencer les autres par rapport à l’inclusion, le coaching et le mentorat. Les visites d’organisations m’ont aussi aidée à trouver des solutions pour motiver mon équipe et les aider à s’approprier la vision de l’entreprise. Dès le moment où j’ai entendu ces compétences et que je les ai comprises,  je les ai traduites pour travailler avec mon équipe.

Lors de mon séjour au Canada, j’ai téléphoné à mon équipe pour célébrer leurs récents succès et j’ai reçu un courriel d’une de mes collaboratrices directes dans lequel elle soulignait à quel point elle était motivée. M’engager avec eux et elles dans cette direction positive nous a mené·e·s à créer ensemble notre stratégie pour le mois de mars. Apprendre à bien travailler avec mon équipe et à être une bonne leader était l’un de mes objectifs, et je peux déjà célébrer un petit succès et voir de quelle façon il influencera directement la vie des élèves.

Dans quelle mesure le programme a-t-il eu une incidence sur votre compréhension de l’engagement client ? Qu’est-ce que cela signifiera pour M-Shule ?

M-Shule est une entreprise sociale centrée sur l’élève. Nous voulons nous assurer que les élèves aiment ce que nous construisons, qu’ils et elles peuvent en faire une habitude et ainsi recevoir des leçons de grande qualité. Pour réussir auprès des élèves, nous devons également offrir une expérience précieuse aux enseignant∙e∙s et aux parents, qui aideront à façonner les retombées de nos produits. Les enseignant∙e∙s jouent un rôle important dans le soutien des élèves à l’école, et les parents, bien qu’on les néglige souvent à titre de parties prenantes importantes, sont les gardiens de ces outils à la maison. Donc, dans mon rôle, je dois m’assurer que les produits de M-Shule ne sont pas seulement conçus pour les élèves, mais aussi pour les parents et les enseignant∙e∙s.

Mon attention se porte sur la façon de suivre et de surveiller efficacement ce que nous faisons. Le suivi et l’évaluation représentent un défi avec une petite équipe et c’est l’un des points difficiles que j’ai eu l’occasion d’aborder au cours de ma formation au Canada. En ce moment, je dirige une équipe de cinq personnes avec environ 7 000 élèves sur la plateforme, mais M-Shule pourrait accueillir un demi-million d’élèves ou plus sur la plateforme. Un jour sur deux, je pense à ce que cela signifierait pour mon équipe. Comment pouvons-nous efficacement faire croître l’engagement pour l’ensemble de la clientèle et des parties prenantes ?

La formation en compétences et en leadership que j’ai reçue ici a amélioré mon approche de la gestion et m’a permis de mieux comprendre ce dont M-Shule a besoin pour atteindre la prochaine frontière de l’engagement client. Grâce à Kumvana, j’ai découvert le concept de gestion agile; des stratégies et des outils pour entraîner et guider mon équipe à expérimenter, apprendre et réitérer aussi vite que possible. Ce sera un atout inestimable pour M-Shule à mesure que nous évoluons.

Que pensez-vous du programme Kumvana en tant qu’occasion de développement professionnel pour les Kényan∙e∙s ?

Je connais des gens qui sont passés par le programme YALI (Young African Leadership Initiative) et j’ai vu l’effet que cela a eu sur eux et elles. De tels programmes vous donnent ce feu sacré supplémentaire parce que vous rencontrez d’autres personnes comme vous et voyez les choses incroyables que les gens font. Ils et elles vous donnent les compétences dont vous avez besoin pour progresser, et ce programme se concentre sur l’apprentissage et crée une structure permettant de faire progresser votre carrière et vos passions.

Kumvana a été d’une grande valeur en fournissant une plateforme pour que des personnes partageant les mêmes idées se réunissent. Chacun et chacune d’entre nous ayant des expériences variées et provenant de régions différentes de l’Afrique de l’Est et de l’Ouest, nous avons eu l’occasion de nous réunir, de partager les défis auxquels nous avons fait face et de considérer les occasions que chacun·e d’entre nous a devant lui ou elle en tant qu’innovateur ou innovatrice. Le mentorat et la connexion ont catalysé une grande partie de la croissance réalisée au cours de ces deux semaines. Kumvana a également conduit à de nombreux moments révélateurs. Nous avons réalisé que les discussions qui nous ont permis de remettre en question le statu quo au cours de ce programme doivent avoir lieu plus souvent chez nous et dans un esprit similaire, avec plus de gens qui partagent nos idées. Nous devons nous demander ce que nous faisons avec les problèmes que nous avons dans différents pays africains. D’une certaine manière, nous devons abandonner Skype et WhatsApp et tous ces outils d’interaction sociale et nous réunir physiquement pour en faire plus. 


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