L’expérience professionnelle d’une vie

Cale est l’un des stagiaires à long terme d’ISF, ces professionnels et professionnelles du Canada qui s’intègrent à des entreprises sociales en Afrique subsaharienne et leur offrent leur expertise et leurs compétences pour renforcer la capacité de ces initiatives en phase de démarrage.

Mon expérience à Nairobi s’est terminée en décembre dernier. Pendant plus d’un an, j’ai travaillé en tant que directeur de produit chez FarmDrive, une initiative d’ISF qui cherche à s’assurer que les petits et petites propriétaires agricoles du Kenya peuvent avoir accès au crédit afin d’améliorer leur ferme. Bien que ce fut une expérience exigeante, c’était tout aussi enrichissant et j’ai adoré chaque minute passée à travailler à Nairobi.

Après être rentré du Kenya, j’ai eu le privilège, en janvier dernier, de participer au congrès annuel de la communauté d’ISF, Σchanges 2018, d’y parler de mon expérience et d’inspirer d’autres personnes à postuler pour un stage au sein de la prochaine cohorte de stagiaires à long terme. C’était un processus intéressant que de conduire de Montréal, au Québec, jusqu’à Hamilton, en Ontario, seulement quelques semaines après être revenu au Canada. La dernière fois que j’avais fait un voyage en voiture vers un nouvel endroit, c’était lorsque j’ai commencé mon stage au Kenya.

Kelvin, mon collègue de FarmDrive, et moi avons conduit jusqu’à Bungoma, au Kenya, près de la frontière avec l’Ouganda, pour animer des formations auprès de fermiers et fermières. Notre plan de départ, qui était de partir en début d’après-midi, avait été contrecarré en raison de problèmes de transport caractéristique du travail en Afrique subsaharienne. C’est ainsi que je me suis retrouvé à conduire pour la première fois sur les routes kényanes alors que le crépuscule s’installait sur Nairobi. À ceux et celles qui n’ont jamais conduit sur une autoroute en Afrique subsaharienne, vous passez à côté d’une forme toute spéciale de chaos. Les voies et les panneaux de signalisation existent, mais ils n’ont pas d’importance. C’est une mêlée générale géante où vous ne devez pas avoir peur des voitures, des camions, des motocyclettes ou des chèvres à contresens de la circulation, mais vous devez vous attendre à les croiser. Mon collègue s’est installé sur le siège passager alors que j’esquivais les camions, les matatus (des minibus) et les vaches occasionnelles le long de la route qui traverse le pays. Alors que tombait la nuit, la frénésie s’accentuait. Les lampadaires étaient inexistants et tout le monde avait ses feux de route allumés en tout temps. Le flot de véhicules venant en sens inverse devint comme une espèce de flou de multiples phares éclairant dans notre direction et plus d’une fois nous avons dû rouler sur l’accotement afin d’échapper à une collision inévitable.

Nous sommes finalement arrivés à destination et, au fil de l’année, mon stage chez FarmDrive m’a amené à faire face à des défis et des réussites encore plus grands que la maîtrise des autoroutes kényanes. Je me suis joint à FarmDrive en tant que directeur de produit pour aider l’initiative à trouver des solutions à leur modèle. Les agriculteurs et les agricultrices utilisent la plateforme mobile de messagerie texte de FarmDrive afin d’envoyer des données à leur propos ainsi qu’à propos de leur ferme : ce qu’ils et elles cultivent, leurs dépenses, leurs revenus, des données biologiques et autres. Toutes ces données sont entrées dans un algorithme qui calcule une cote de crédit qui aide les agricultrices et les agriculteurs à demander et se garantir des prêts.

Lorsque j’ai commencé à travailler pour FarmDrive en novembre 2016, l’initiative avait 180 prêts actifs et avait rencontré tous les agriculteurs et toutes les agricultrices qui utilisaient leur plateforme. L’équipe pouvait visiter toutes les fermes pour déterminer leur localisation exacte, ce qui permettait à FarmDrive de collecter des données climatique et topographique de grande qualité. Ces données peuvent renforcer la valeur prédictive de la cote de crédit d’un agriculteur ou d’une agricultrice étant donné que les conditions météorologiques locales influencent le rendement agricole. Cependant, visiter toutes les fermes inscrites sur la plateforme n’est pas durable lorsque vous cherchez à atteindre des dizaines, voire des centaines ou des milliers d’agricultrices et d’agriculteurs inscrits.

Avec ma formation en génie géomatique, j’ai pu aider FarmDrive à améliorer leur plateforme de messagerie texte afin qu’elle établisse de façon plus précise la localisation des fermes. Cela a permis d’inclure des données géospatiales plus précises dans l’algorithme de FarmDrive et ce, alors même que le nombre d’agriculteurs et d’agricultrices grimpait par milliers.

L’un des plus grands défis à surmonter a été d’amener mon équipe à bien comprendre que les données géospatiales externes ne pourraient réellement servir que si elles étaient liées à une localisation plus précise des agriculteurs et agricultrices. J’ai travaillé fort afin de bâtir la pensée critique reliée à l’utilisation des ensembles de données environnementales disponibles et à les lier à de vrais utilisateurs et de vraies utilisatrices sur leurs fermes. La convivialité et la bonne conception de système devaient être considérées et implantées afin de collecter des données exactes pour la cote de crédit et, ultimement, pour encourager le remboursement des prêts grâce à des SMS de rappel.

Mon travail a débuté sur papier avec des prototypes de questions à inclure dans la plateforme de messagerie texte et auxquelles les agriculteurs et les agricultrices allaient devoir répondre et s’est terminé avec un nouvel algorithme capable d’analyser les données entrées par ceux-ci et celles-ci afin de déterminer leur emplacement. Heureusement, j’ai eu l’aide de deux stagiaires à court terme d’ISF qui ont soutenu la conception et le test des mises à jour de messages textes et de l’algorithme. Nous avons visité un nombre incalculable d’agricultrices et d’agriculteurs pour confirmer l’exactitude de l’algorithme lorsqu’il déterminait une localisation en comparant le résultat avec de véritables données GPS.

Douze mois plus tard, les capacités de la plateforme FarmDrive, la base de leur modèle d’affaires, se sont améliorées, mais le travail n’est pas terminé. L’équipe continuera à réaliser des itérations et à renforcer leur plateforme.

Je me sens tellement choyé d’avoir pu faire partie de ce processus au cours de la dernière année. Je tiens aussi en grand honneur le dur labeur que les fondatrices de FarmDrive, Rita et Peris, ainsi que le reste de l’équipe se sont engagées à réaliser afin d’amener l’initiative là où elle en est aujourd’hui. Lorsque je repense à la folle aventure en voiture que j’ai entreprise à mon arrivée au Kenya, la fierté que j’ai ressentie après avoir réussi à naviguer les autoroutes bondées du Kenya m’apparaît bien pâle à côté de celle que je ressens par rapport à mon travail avec FarmDrive.

Partager mon expérience avec de potentiels stagiaires à Σchanges cette année était un privilège. J’ai pu aider à canaliser la passion et l’énergie d’autres membres de la communauté d’ISF vers cette occasion révélatrice de créer du changement dans le monde. C’était également un moment au goût doux-amer puisque cela m’a rappelé que mon stage est vraiment terminé. Par contre, le Kenya et ISF resteront toujours dans mon cœur et continueront d’influencer mes décisions professionnelles et personnelles pour les années à venir.

Alors que j’entame cette prochaine étape de ma vie, je penserai toujours à mes amis et ma famille qui sont restés au Kenya. Même si l’Atlantique nous sépare, nous demeurerons connectés et nous vivrons nos vies un peu différemment en raison des moments que nous avons partagés et de la façon dont nous avons appris les uns des autres. Si vous lisez ceci, postulez pour devenir un ou une stagiaire. Ce sera l’une des années les plus intéressantes et les plus remarquables de votre vie.

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