Le piège de l’investissement à retombées sociales

Il faut que les agences de développement agissent avec prudence pour ne pas gaspiller d’argent après un mauvais investissement.

Depuis mon arrivée chez Ingénieurs sans frontières Canada (ISF) au mois de mai, plusieurs discussions avec mes nouveaux collègues ont porté sur la question du rôle croissant de l’investissement à retombées sociales dans le secteur privé comme approche complémentaire aux interventions en matière de développement dans les économies émergentes. Le concept, pour ISF, est assez simple : on investit dans des initiatives locales prometteuses dans l’espoir d’engendrer des retombées sociales et environnementales importantes et de générer un rendement financier modeste au fil du temps. La théorie sur laquelle se base cette approche est qu’il est possible de distribuer largement la valeur créée de manière beaucoup plus équitable et juste, et ce, par des réalisations sociales et environnementales. De cette façon, tous et toutes en profitent plutôt que seulement une minorité d’actionnaires qui en reçoivent exclusivement les gains. À long terme, les résultats positifs ont pour objectif d’indirectement stimuler les possibilités au-delà de l’investissement initial, ce qui permet de créer des économies locales autosuffisantes et résistantes aux chocs économiques.

Il est vrai que, en théorie, les investissements à retombées sociales offrent une possibilité pour les agences de développement qui souhaitent acquérir une approche d’investissement combinant le meilleur des entreprises privées et du développement philanthropique. Toutefois, gérer à la fois les rendements financiers et les rendements sociaux et environnementaux tout en créant de la valeur pour la clientèle se traduit par une complexité accrue par rapport aux projets de développement typiques. En effet, les objectifs concurrents de ces trois perspectives provoquent une tension naturelle, ce qui exige davantage d’échanges raisonnables et de compromis, surtout compte tenu de la rareté des ressources disponibles pour une économie en développement. En retour, il va de soi qu’un investisseur en développement avec une conscience sociale sacrifie indéfiniment la viabilité financière afin d’atteindre ses objectifs sociaux et environnementaux. À ce moment-là, le principe fondamental de l’investissement à retombées sociales est compromis et l’initiative retourne simplement vers un autre projet de développement, et ce, sans retirer les avantages économiques qu’offre l’investissement à retombées sociales.

Les agences de développement qui participent au monde complexe de ce type d’investissement doivent tenir compte de la viabilité financière comme un des objectifs principaux de l’investissement tout en considérant les résultats sociaux et environnementaux ainsi que la création de valeur sur un pied d’égalité. Il faut qu’elles maintiennent le même niveau de discipline financière qu’exigent les entreprises à but lucratif et qu’elles sachent mettre un terme à un investissement qui a généré un rendement faible et qui ne s’avérera pas rentable à court terme. L’argument fréquent selon lequel l’investissement à retombées sociales requiert un horizon à long terme est bien-fondé, mais cela ne peut justifier le mauvais rendement constant de certaines initiatives. Les entreprises à but lucratif et les agences de développement établissent des cadres pour la création de stratégies et la gestion du rendement qu’il est possible de facilement modifier et de mettre au point pour répondre à toutes les tensions concurrentes des initiatives bénéficient d’un investissement à retombées sociales. En fait, une version hybride des deux cadres les plus connus – le modèle logique du développement (théorie du changement) et le schéma stratégique de Kaplan et de Norton – permettrait d’offrir une approche croisée flexible afin de combler le fossé entre les organismes à but lucratif et les agences de développement.

Au cours des prochains mois, j’espère obtenir les réponses à ces questions et comprendre ce qui manque au développement pour qu’il s’acquitte de ses obligations sur tous les aspects qu’il influence.

Alex Wise

Bénévole à long terme auprès d’ISF

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Originaire de Portsmouth au Royaume-Uni, Alex Wise est bénévole à long terme auprès d’ISF et collabore avec Ignitia Ltd au Ghana. Il a obtenu un baccalauréat en ingénierie en 2005 de l’Université de Surrey, au Royaume-Uni, et s’est ensuite dirigé vers le Canada où il a obtenu une maitrise en gestion des affaires en 2013 de l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa. Il compte 10 ans d’expérience dans le secteur primaire comme ingénieur en intégrité des infrastructures et, plus récemment, comme directeur de la stratégie d’entreprise chez une PME d’ingénierie à Toronto, au Canada. Alex s’intéresse de près à l’investissement à retombées sociales du point de vue de la mise en œuvre et collabore actuellement avec Ignitia Ltd, une initiative sociale qui se spécialise dans la prévision météorologique tropicale, afin de gérer la croissance et d’élaborer le plan d’affaires de cette dernière.

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